Toi et moââââââââ un rêve.
J'ai eu la chance d'être élevée par des gens merveilleux. Merveilleux parce qu'ils ont ouvert mon coeur à la magie du monde, parce qu'ils ont mis entre mes mains des livres formidables. J'ai grandi avec Arthur, j'ai aimé Lancelot avec Guenièvre. J'ai cherché le Graal tant et plus et j'ai vu Morgane donner vie au traître Mordred.
Très tôt, j'ai dévoré les légendes arthuriennes, puis d'autres histoires tout droit sorties du Moyen-Age. Peu à peu j'ai fini par aimer cette grande période de notre histoire, je l'ai aimée au point d'en avoir fait le thème de mon mariage. Au point d'avoir donné aussi le prénom de Mélusine à ma fille.
Quand j'étais enfant, je jouais souvent seule. Je m'étais inventé un monde où j'étais une princesse dans son château. Notre jardin était devenu un Comté que je parcourais avec mon cheval Neige. Je cherchais Perceval et Galaad. Je rêvais de mon Lancelot à moi.
J'aimais quand mon papa de coeur sortait les archives du château familial dans lequel il avait passé son enfance, je palpais du doigts ces années si lointaines et je me disais que le Moyen-Age et moi, c'était une drôle d'histoire d'amour.
Il y a quelques mois, j'ai eu une belle surprise. Pour la première fois j'ai pu visiter ce château qui fut celui de la famille de mon papa de coeur. Vendu depuis, il a été magnifiquement réhabilité par un amoureux de l'histoire. Mes yeux se sont remplis de larmes quand il m'a présentée comme "sa fille". Etrangement, c'était faux et vrai à la fois. Comme si je trouvais soudain ma place dans l'Histoire, je commençais à comprendre ce que le Moyen-Age et moi on avait de commun.
Cette visite, ce fut un des plus beaux cadeaux que la vie m'a réservé jusqu'à présent, comme un petit morceau de voile levé sur le secret de mes origines et je l'ai écrit à l'encre indélébile dans le livre de ma vie pour ne jamais l'oublier.
A partir de ce jour, c'est devenu plus présent en moi. Je voulais savoir.
Alors quand mon papa de coeur m'a reparlé du château de Guédelon, je me suis dit que le temps était venu. Quelques jours plus tard, j'en ai parlé avec ma collègue et nous avons décidé que ce serait notre destination de l'année. J'avais (besoin) envie de le découvrir, elle avait envie d'y retourner, cela faisait 3 ans qu'on évoquait le sujet, il était temps de se décider.
Les mois ont passé plus vite que prévu et hier, le jour tant attendu est arrivé. Je n'avais rien préparé avec les élèves, pas vraiment fait de recherches. Je voulais avoir la surprise la plus pure possible, que les élèves et moi on puisse s'émerveiller ensemble.
J'ai aussi choisi d'emmener avec moi un ami qui partageait le rêve de découvrir ce lieu et qui, je le savais, aurait la capacité d'émerveillement d'un enfant tout autant que nous autres.
5h30, le bus démarre et chaque kilomètre nous rapproche de notre destination. Ca y est, nous partons pour Guédelon.
Mais Guédelon, c'est quoi? Eh bien, c'est un pari que certains jugeront fou. Moi je trouve ça juste beau. Extra-ordinaire.
A Guédelon, ils bâtissent un château fort. De A à Z, avec les techniques qui étaient celles du XIIIème siècle. Je vous conseille un tour par
ici pour en savoir plus.
10h15, on y est. Je pense être mille fois plus excités que les 18 enfants qui m'ont suivie dans l'aventure. D'ailleurs, mes "partenaires" de bus en ont fait les frais. La pie Maman Elfe était de sortie. Leur migraine aussi, sans doute.
Première boulette, je n'ai plus de chèque dans le chéquier. Heureusement que nous sommes deux, j'aurais eu l'air vachement fine toute seule aux caisses sans moyen de paiement... Mais bon, Maman Elfe qui ne boulette pas n'est pas vraiment Maman Elfe, il faut le savoir!
En posant le pied dans l'enceinte du chantier, j'ai le coeur qui bat vite, très vite et mes yeux ont du doubler de taille. Je n'ose compter le nombre de fois où j'ai dit à celui ou celle qui avait le malheur de se trouver près de moi "T'AS VU??????". T'as vu le château? T'as vu le cheval? T'as vu? T'as vu? T'as vu? 3615LACHIEUSE bonjour!
Nous avons d'abord rencontré le château au travers de Père Archi, qui nous expliqué le travail du maître d'oeuvre. Nous avons remonté le temps jusqu'en l'an 1243 pour prendre un cours de géométrie. De la corde à treize noeuds tantôt règle, compas ou équerre à l'empan ou la coudée, nous sommes devenus incollables.
Nous avons ensuite imaginé une horde d'assaillants se faisant faucher en terrain découvert par les tirs d'arbalètes jusqu'à 200 mètres du château. Puis venant s'écraser dans les douves piégées de pieux aiguisés et de ronces entremêlées. Bienvenue au Moyen-Age!
Le père Archi nous explique que si les tours du château sont rondes, c'est pour qu'elles soit plus difficiles à écrouler. Mon coeur de maîtresse gonfle de fierté en entendant une élève demander pourquoi, alors, dans ce cas, tout le château n'est-il pas concu en cercle?
Et mon coeur d'Auvergnate fait de même en entendant "Il y en a. Par exemple, le château de Murol, en Auvergne." Sauf que c'est à ce moment là que j'ai levé le poing en l'air en
criant disant "C'EST CHEZ NOUS!!!". Eclats de rire du groupe. Moment de (grande) solitude. Après coup je suppose que j'ai du penser un truc du genre "Ouais! on est trop malins en Auvergne!". J'aurais juste du avoir le triomphe discret. Ca m'apprendra, tiens!
Sur cette géniale entrée en matière, nous continuons notre apprentissage, non moins génial. Direction Dame Virginie, qui va enfin lever le mystère (enfin, le mystère qui était le mien) de la voûte d'ogive. Mais comment ça se bâtit?
Eh bien, c'est tout simple. La preuve, mes élèves l'ont fait. Et si vous aussi vous voulez savoir...filez donc à Guédelon! Le cintre, mes amis, le cintre, c'est là qu'est la clé (de voûte)...
Flânant entre les tailleurs de pierre et les carriers, nous voilà partis à la rencontre du forgeron. Qui nous forgera un clou en moins de temps qu'il n'en faut pour bâter un âne. Tout cela en détaillant les outils utilisés et en nous faisant remarquer la conception du coeur de la forge, la cheminée et son soufflet. J'apprécie le ton léger du forgeron, la pédagogie de ses explications et sa disponibilité (que l'on rencontrera partout au château). On sent l'amour de leur métier, la passion de cette aventure chez tous ces gens et ça fait du bien de voir qu'il y a bien des personnes qui vivent de leurs rêves. Je me sens bien ici.
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Bon, ok, les casquettes c'était pas hyper hyper médiéval mais on n'avait rien d'autre sous la main...pris au dépourvu par le soleil! Et dire que certains ont traîné leurs bottes toute la journée^^ |
Mais trêve de rêvasseries, le temps est venu d'aller quérir enseignements chez maître tailleur de pierres. Des noms connus résonnent dans nos oreilles. Mais jusqu'à il y a deux minutes, on ne voyait pas vraiment ça comme ça, la broche ou le ciseau. Si on m'avait dit "eh bien, tu poses ta broche sur la pierre et tu tapes dessus avec un marteau", je t'aurais gentiment mais fermement proposé de venir t'asseoir quelques minutes à l'ombre avec moi pour parler un peu. Mais grâce au tailleur de pierre, maintenant je ne passerai plus pour une inculte lorsque je serai invitée au banquet des tailleurs de pierres, et mes élèves non plus.
Nous profitons d'une petite sortie hors de l'enceinte du chantier pour aller
déconner entre adultes manger avec les enfants. Quelques chips, sandwichs et pommes plus tard, nous sommes d'attaque pour cette fois-ci visiter librement le chantier.
C'est avec émotion que j'ai pénétré dans ce château si particulier. Parce que, si il n'a pas plusieurs centaines d'années, ses murs sont chargés d'une histoire qui emplit l'air ambiant. C'est fort, tout autour de nous. Tellement fort que j'ai du mal à avoir de belles photos, par endroits, comme si le temps ne comptait pas. Nous n'étions que du vent face à ce monument bâti de pierres et de rêves.
J'ai touché l'oeuvre des forgerons,
J'ai imaginé une attaque
Je me suis imaginée tourner des marmites dans cette cheminée démesurée
Je suis restée bouche bée devant le travail des charpentiers
Hier, j'ai rêvé ma vie, j'ai vécu mon rêve. Merci...