mardi 15 octobre 2013

Attendre

Il y a toutes sortes de grossesses. Les grossesses désirées,  les espérées, les surprises, les redoutées, les rejetées...

Pour Petite Elfe, je désirais ardemment être enceinte. Je venais de me marier, je savais que je voulais être mère, c'était un peu dans l'ordre des choses, en quelque sorte. Tout est arrivé très vite, après un premier "échec" ma princesse a pris ses quartiers en moi et c'était parti.
J'avais tant imaginé comment ça serait, de porter la vie... Je me sentirais épanouie,  nous construirions avec son père une bulle de bonheur qui n'appartiendrait qu'à nous, je pouvais presque sentir ses mains dessiner sur mon ventre les lignes de notre futur. Ma grossesse, ça ne pouvait être que le bonheur, j'en avais décidé ainsi.

Seulement...seulement tout ne s'est pas passé exactement comme prévu. C'est comme si une chose de plus c'était cassée entre nous. Son père attendait l'arrivée de Petite Elfe sans en parler beaucoup, sans me toucher, sans tout ce dont j'avais rêvé. Il était heureux, ça ne faisait aucun doute. Heureux mais distant. Certains jours je voyais bien que le monde continuait de tourner autour de moi exactement comme si mon ventre rond était désespérément vide. Et ça faisait si mal...J'avais presque honte de parler à ce bébé, je ne savais plus trop ce que je devais faire ou dire. Ne savais plus si je devais lui parler puisque son père lui, ne parlait jamais.
J'ai porté mon enfant pendant neuf mois d'incertitude. Neuf mois de vomissements. Neuf mois qui peu à peu de difficiles devenaient terribles à porter.
Au temps pour ma grossesse-bonheur. Ce serait pas pour cette fois. Et plus jamais avec le père de Petite Elfe, à cet instant je crois que je le savais déjà.


Petite Elfe est entrée dans ma vie comme le soleil perce les nuages. J'ai eu tout le loisir de lui dire combien je l'aime, combien je l'ai toujours aimée et désirée même si durant ces quelques mois in utero je n'ai pas su lui dire. Je me suis sentie mère à l'instant où elle a ouvert les yeux sur le monde et je me suis dit que j'étais en train de vivre la plus belle des aventures.
 
Et je me suis promis que la prochaine fois, le prochain enfant que je porterais, la prochaine grossesse ce serait la bonne. La belle.
Parfois c'est difficile de tenir ses promesses. Trop difficile.

Et puis...je le disais...il y a des grossesses surprise. Celles que l'on a pas planifiées, que l'on n'attend pas, pour lesquelles on n'est pas toujours prêts. Ce sont pour certains des grossesses injustes, je pense à mes amies, à toutes les mamans qui tellement essaient et n'y arrivent pas.

Ma seconde grossesse a été une surprise. Je ne sais toujours pas aujourd'hui comment elle a pu arriver (enfin, si je connais un petit peu les grandes lignes, quand même...).

Sur le coup j'ai pleuré de joie, envahie d'un amour immense pour ces petites cellules en train de se diviser au creux de mon ventre. J'étais folle de bonheur que cet enfant que je portais soit non pas cette fois le fruit de l'évolution de ma vie mais bien la concrétisation d'un amour gigantesque, même si on n'en avait pas décidé ainsi.
Bien sûr que j'ai eu des doutes. Un amour si jeune, une situation si compliquée. Mais je savais au fond de moi que si le jardinier de cette graine ne me le demandait pas expressément, je ne serais pas capable de faire mourir la fleur. Je suis une mère, je n'envisageais pas ça, pas dans ce contexte-là.

Je n'ai pas su tenir ma promesse envers moi. Ça me rend triste, parce que je me dis parfois que c'est si difficile de tenir les promesses faites aux autres lorsqu'on est pas capable de tenir celles qui nous importent, à nous.
Peut être bien que c'est moi, au fond, le problème. Que j'ai en moi une espèce d'incompétence au bonheur à deux. Peut être bien que j'ai tout gâché. Ou que ces fichues hormones ont achevé de saper les quelques forces qui me restaient pour porter à bout de bras cette nouvelle vie de famille.

Aujourd'hui j'ai appris que je portais à nouveau une petite fille en moi. Princesse minuscule à qui je ne sais même pas quel prénom je vais donner. Demoiselle en devenir dont je ne sais même pas quel sera le futur.

Aujourd'hui je suis incapable de me projeter dans une vie à quatre. C'est comme si il y avait entre aujourd'hui et demain une barrière si haute qu'elle en était infranchissable. Comme si le brouillard était si dense que j'allais me perdre en lui pour toujours.

Alors tout doucement je vais fermer les yeux. Fermer pour espérer que les choses vont évoluer. Qu'une fois de plus cette naissance me révèlera un peu plus, un peu mieux à mon état de mère et que je pourrai bercer contre mon sein cette petite fille en lui murmurant tout l'amour que j'ai pour elle. Tout le monde auquel j'ai envie de l'ouvrir. Toute la beauté du futur qui l'attend.
Fermer les yeux et attendre que doucement, le soleil perce les nuages...


lundi 7 octobre 2013

J'voudrais lui apprendre...

Je fais partie des premiers enfants de notre génération dans la famille, du coup j'ai tout le loisir d'observer autour de moi quelques jeunes gens qui font leur entrée dans la vie...ou qui s'y apprêtent. La fin du lycée, la fac, la fin des études...

Et j'avoue que je reste baba de ce que j'entends. "Je veux pas travailler, j'ai bien le temps", "je peux pas travailler, j'ai mes études", "je suis fatigué(e)", "j'ai besoin de vacances"... et mieux encore quand papa et maman plussoient "mais oui mais tu comprends, il(elle) a ses études à gérer", "il(elle) a besoin de ses vacances pour se reposer". Bien, bien.

Je suis fière de l'éducation que j'ai reçue de mes parents. Des valeurs qu'ils m'ont inculquée.
J'ai commencé à travailler lorsque j'avais 17 ans. Dès lors le nom de "vacances scolaires" a perdu tout son sens pour plusieurs années. De CLSH en CLSH, de salaires de misère en horaires improbables. J'ai travaillé dans plusieurs structures, sans une semaine de répit.
Je me souviens combien j'étais fière de toucher chaque petit salaire qui me permettait de mettre un peu d'argent de côté, puis plus tard de payer au maximum mes courses, mon loyer. J'avais voulu mon autonomie et j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour l'acquérir et puis m'en montrer digne.

Aujourd'hui, j'écoute autour de moi, je regarde mon enfant grandir et j'voudrais lui apprendre à quel point il est important d'acquérir son autonomie. J'voudrais qu'elle comprenne la valeur des choses. Que chaque centime qu'elle dépense soit bien réfléchi et dépensé avec la fierté de l'avoir gagné.
Je ne voudrais surtout pas qu'elle puisse croire que "prendre un appart" payé par papa et maman, qu'y ramener la nourriture préparée par maman chaque dimanche soir en rentrant du week end à la maison, que ramener son linge chaque vendredi soir en attendant dimanche qu'il soit à nouveau propre et repassé ça soit ça, être autonome.

Je ne voudrais surtout pas qu'elle me sorte la fatigue chronique à toutes les sauces. Moins on en fait, plus on est crevés hein. Oui, je suis instit, je suis "souvent" en vacances, et mes vacances je suis plutôt fière des les avoir méritées. D'avoir conjugué pendant 6 ans mes études à de petits boulots pour finir par arriver là où je suis aujourd'hui.

J'voudrais juste, au final, que ma fille exerce le métier qu'elle aura choisi, qui la fera vibrer, dans lequel elle s'épanouira. Même si pour ça elle doit passer par une période un peu moins rose, une transition de l'enfant à l'adulte. Apprendre à être responsable et à connaître la valeur des choses avant de se lancer dans sa vie. J'voudrais qu'elle se donne les moyens de vivre ce qui la rendra heureuse.

J'voudrais qu'elle soir l'actrice de sa vie, pas une figurante dépendante du bon vouloir du réalisateur.

J'voudrais lui apprendre...et j'espère bien y arriver.