lundi 18 mars 2013

Je n'ai pas envie...

 Je n'ai pas envie de la laisser partir à l'école pour la première fois un matin de septembre, sans moi, alors que je me trouverai à des kilomètres de là, pour ma rentrée, pour celle de mes élèves, mais jamais pour ma fille. Mon sang, ma chair, ma toute petite elfe adorée que j'ai bercée, à qui j'ai lu des centaines de livres. Mon enfant.

Je n'ai pas envie de la savoir évoluer loin de moi dans cet environnement que je connais si bien et dont j'ai si peur pour elle. Ca paraît idiot, je sais. Mais j'ai si peur, peur que sa maîtresse ne soit pas à l'écoute de mon enfant. Peur qu'elle s'ennuie. Peur que son sale caractère la desserve. Peur qu'elle soit jugée sur ma profession. Peur qu'elle n'aime pas l'école. Peur qu'elle aime trop l'école.

Je n'ai pas envie que quelqu'un d'autre prenne le relais des apprentissages. Dieu que je suis stupide.

Je ne suis pas égoïste, je suis sa mère. J'aime terriblement mon métier, j'ai besoin de faire ce pour quoi je me lève chaque matin, j'aime voir briller toutes ces paires d'yeux braqués sur moi. Me sentir utile.
Et en même temps...être enseignante, c'est offrir aux autres ce que l'on sacrifie à ses propres enfants. Passer son temps à rassurer, enseigner, écouter d'autres enfants que les siens. Cette grande famille de coeur, celle avec qui l'on passe tellement de temps et dont notre progéniture ne fait pas partie.

Par dessus tout, c'est le fait de la savoir affronter ce nouveau monde pour la première fois sans moi. Sans la seule main qui n'a jamais fait défaut. Et recommencer chaque matin. Sans moi. C'est comme un abandon. C'est pire que ça. J'ai tellement mal à cette idée, à laquelle je pense (oui, moquez-vous) presque depuis sa naissance. Ce grand jour où nous risquons de ne pas dormir, ni elle, ni moi. Où on se lèvera toutes les deux les yeux embués embrumés des affres de cette longue nuit. Puis on se séparera, doucement, pour mieux se retrouver. Le plus grand moment de sa courte vie et je ne serai pas là pour partager ça avec elle. Son premier pas de grande fille. Sans moi.

Je n'ai pas envie qu'elle rentre à l'école, ma toute petite fille à qui j'ai donné naissance il y aura bientôt trois ans. Ce petit bout de femme qui a avidement tété mon sein en poussant de petits soupirs d'aise, trop peu, trop peu de temps. Cette Petite Elfe qui a illuminé ma vie dont j'ai perdu le sens jusqu'au jour de sa naissance. Ma fée, dont chaque progrès ne cesse de m'émerveiller.

Je n'ai pas envie mais je m'y prépare. Je la prépare, tout doucement. Les couleurs, les formes, les animaux, la vie. Tout ça à la fois. Et je suis fière, si fière de ses bons mots, de ses progrès. De ses longues phrases, de sa mémoire stupéfiante. De sa capacité d'analyse.

Et vous savez quoi? Par dessus tout, je n'ai pas envie... Pas envie de stopper tout ça, de lui couper son élan. Pas envie de la freiner. Pas envie de l'empêcher de grandir. Alors ma foi, vivement. Vivement que je la retrouve le soir, au sortir d'une journée d'école, pour l'écouter raconter. Entendre sa petite voix détailler sa journée. Vivement qu'on prenne toutes les deux un plaisir égal à se retrouver chaque vacances. Vivement qu'elle puisse raconter ses sorties à sa maîtresse.

Etre mère, ou l'art de la contradiction...

3 commentaires:

  1. Comme je te comprends... ma fille va aussi rentrer à l'école... elle en a tellement envie... mais moi, si je pouvais la garder pour moi, contre moi, encore un peu...
    mais ils en ont besoin, ils en ont envie, et c'est la vie !!
    et là, on a pas le choix...

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  2. Karine,
    Je peux te dire que j'ai eu mes deux enfants l'un après l'autre dans ma classe de CP/CE1 et j'ai adoré ces années -déjà passées-
    car ainsi nous partagions des moments en plus grand nombre sur cette courte durée qu'est l'enfance.Et pourtant, ma classe n'est pas sur ma commune... l'idée de dérogation t'a-t-elle frôlée?

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  3. je découvre cet article plein d amour... quelle chance a ta petite Elfe et quelle chance ont tes élèves... c'est toujours un plaisir de te lire

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