samedi 4 août 2012

T'as pensé à ta fille?

Oh la jolie question pourrie que voilà! Celle qu'au cours de ces derniers mois je n'ai malheureusement pas entendu qu'une seule fois... Celle qui me fait comprendre à quel point je déteste l'intrusion des gens dans ma vie. Celle qui me donne envie de leur coller une bonne fois pour toutes dans la figure ce que je pense de leurs jugements.

En général, il s'agit de la première réaction lorsque j'annonce que je quitte le père de Petite Elfe. "Et ta fille? Tu y as pensé?". Alors voilà, je suis une fille polie, je réponds toujours cordialement mais en-dedans je bous.

Parce que d'abord, puisque ces gens croient me connaître, comment peuvent-ils oser poser une telle question? Comment ignorer que cela fait deux ans que je vis par et pour ma fille? Deux ans que je m'occupe intensivement d'elle dès que nous sommes ensemble. Deux ans que ces mêmes gens me reprochent de trop m'occuper d'elle. Délicieux paradoxe... un jour ils jugent que je m'occupe trop d'elle, le lendemain que je ne pense pas à elle. Bande d'abrutis d'hypocrites, les amis.... La nature humaine est-elle ainsi faite qu'elle pousse à (trop) parler sans réfléchir?

Alors voilà... à vous tous les curieux, les emmerdeurs d'un jour, les donneurs de leçon, à vous qui parlez pour parler, sachez que...

Je n'ai pensé qu'à elle. A ma fille qui refusait de dormir. A l'enfant que chaque soir je berçais des heures contre mon sein en attendant d'entendre sa respiration ralentir, de sentir son petit corps devenir lourd entre mes bras. A ma fille qui pleurait beaucoup et dont les yeux criaient la souffrance. A mon enfant aux besoins soudain intenses et que je ne comprenais pas.
Et j'ai compris. Ce que je n'avais pas su voir, et pas su dire, elle le savait. Depuis le premier jour. Depuis les heures accrochées à mon sein comme pour oublier le monde désordonné qui tournait autour d'elle. Depuis les longues minutes à hurler dans son lit chaque fois qu'elle avait besoin de dormir, refusant mes bras tout autant que le cocon de ses draps.

Ma fille savait ce que je refusais de voir. Alors elle m'a poussé à bout...au bout de mes réflexions. Mon enfant d'un an à peine m'a ouvert les yeux par la porte des siens.

Alors j'ai pris ses mains si minuscules entre les miennes, j'ai plongé mon regard au fond du sien et ouvert la porte de mon âme déchirée. Et je lui ai dit...

Je lui ai dit que ce que nous vivions, son père et moi, n'était pas de l'Amour. Que c'est ailleurs qu'elle devrait trouver un modèle de couple. Que je l'aimais, que son père aussi mais que nous ne nous aimions plus, nous les adultes.
Je lui ai dit que ce n'était pas de sa faute. Qu'il fallait se séparer pour pouvoir correctement continuer à l'aimer, ELLE, et que c'était l'essentiel.
Je lui ai dit qu'un jour nous partirions vivre dans une autre maison, et que son père aussi trouverait un nouveau chez-lui. Qu'on ne se verrait plus tous les jours mais le plus souvent possible.
J'ai senti ma gorge se nouer, des larmes invisibles dévaler les pentes de mes joues et apaiser ma peine.

A cet instant j'ai su que le monde avait changé. Que rien ne serait comme avant, que, plus que jamais, j'allais savoir ce que signifiait "assumer ses actes". J'avais donné la vie, j'avais la charge de guider cette vie jusqu'à ce qu'elle ait en mains les clés pour la reprendre. Je suis une mère, ce n'est pas rien. Je n'ai pas le droit de refuser à ma fille de connaître l'Amour. Je ne peux pas la priver d'un modèle de famille. Je n'ai pas le droit de faire semblant d'être celle que je ne suis pas car mon sang coule en elle et à elle je ne peux mentir.

A compter de ce jour, Petite Elfe a changé. Elle a dormi plus sereinement, spontanément a accepté de dormir seule. La malice a pris dans ses yeux la place de la colère. Non, bien sûr, tout n'est pas parfait. Notre situation compliquée n'arrange pas les choses. Mais ma fille sait maintenant ce qu'il en est. Depuis un an je ne lui ai pas menti, je ne lui ai rien caché, de toute façon cela ne sert à rien, ceux qui la connaissent comprendront ici de quoi je parle.

J'ai une enfant-lumière, dont j'ai la charge de faire un soleil et sachez que je ne pense qu'à elle...


vendredi 3 août 2012

M'accepter

Voilà LE grand débat de ma vie. Pas que je sois laide, non. Je ne suis pas en surpoids non plus. Plutôt "banale", en somme. Ca, c'est la réalité. Ce que les gens voient.

Et il y a ce qui se passe en moi... ce corps que je n'ai (presque) jamais su accepter. Je me suis toujours vue énorme, avec des proportions complètement à l'opposé de ce que je trouve harmonieux. Je sais que ce que je dis est choquant, j'ai des amies qui souffrent de leur poids et je me sens moche de dire cela. Finalement ce n'est pas le tour de taille qui fait que l'on s'accepte, que l'on est belle - ou pas. C'est plutôt au niveau du cerveau que ça se situe. J'ai la cervelle quelque peu déglinguée (Mais ça, c'est pas nouveau...)

L'année de mes 17 ans, j'ai tellement focalisé là-dessus que j'ai cessé de manger. J'avais mal au ventre, des nausées à répétition et la tête qui tournait comme une toupie mais je me sentais maigrir et j'adorais cette idée. Ca a duré quelques semaines, le temps que ma mère se rende compte, et me suive pas à pas pour me forcer à remanger. J'ai voulu jouer, j'ai frôlé l'anorexie et je me suis fait cette promesse de ne pas recommencer. J'ai en tête le souvenir de mes premiers repas forcés. J'ai cru que j'allais mourir tellement j'avais mal, envie de vomir...

La vie a continué, moi me trouvant toujours "grosse" et ne l'étant pas. C'est là que c'est vicieux. Je SAIS que j'ai une vision erronée de moi, mais rien à faire. Je ne sais pas changer cette image que me renvoie le miroir de mes peurs. J'ajoute à cela quelques remarques anodines pour ceux qui les ont prononcées et dévastatrices pour moi... et je ne suis pas au bout de galérer!

Les années passent, je rencontre celui qui deviendra mon mari, puis le père de ma fille. Mon corps n'a pas changé mais je m'y suis faite. Installée dans une relation, ça me paraît moins grave, je me sens acceptée et je mets ça de côté.

Puis, un beau jour (ou peut-être une nuit) de septembre, une micro crevette décide d'élire domicile dans mon ventre. A compter de cet instant, et 8 mois et demi durant, je n'aurais de cesse de trouver que mon corps est beau. J'aime ses rondeurs, mon ventre qui s'arrondit et se tend, mes seins qui se gonflent (hourra!). Pour la première fois de ma vie j'ai envie de me voir grossir, de montrer au monde entier que je porte la vie et que je me sens belle. Ah, paradoxe quand tu nous tiens...

Petite Elfe entre dans ma vie, l'allaitement se met en place et mes kilos fondent comme neige au soleil. En quelques semaines, je passe de +15 à -23. Je suis devenue extrêmement mince, je n'ai plus de ventre, plus de fesses et plus de poitrine. Tout s'est envolé et je me sens le coeur léger. Ca a ruiné mon allaitement mais je me suis enfin réconciliée avec mon corps, il m'aura fallu 26 ans. Au début, je n'ai pas osé y croire, j'ai refusé de refaire ma garde robe, et, un an durant j'ai porté des vêtements une à deux tailles au-dessus de la mienne. Car tout le monde me disait que j'avais perdu à cause de l'allaitement mais que ça reviendrait. J'attendais donc, morte de trouille, que ça revienne.

Mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre, les kilos ne revenant pas, j'ai décidé de prendre les choses en main. Il faut dire qu'à l'époque, cela fait plusieurs mois que j'ai décidé de me séparer du père de Petite Elfe et mon coeur bat à nouveau. C'est donc le moment de me bouger. Je renouvelle mes pantalons, passe chez l'esthéticienne pour apprendre à me maquiller. En un mot comme en cent, je me sens BELLE.  J'ai trouvé mon corps de rêve, je me sens à l'aise dedans et je n'ai plus aucun complexe (si l'on excepte mes seins complètement tués par le cocktail grossesse/allaitement et dont j'ai du faire le deuil). 

Fin de l'histoire? Non, hélas... J'ai traversé un épisode plutôt douloureux de ma vie sentimentale, et, comme je le faisais parfois avant, je suis tombée dans la nourriture. Le chocolat pour oublier, ne plus penser à la vie qui est la mienne, à tout ce que j'ai raté, aux épreuves qui m'attendent. Quatre mois. Plus six kilos. Retour à la case départ, et pire encore. J'ai connu mon corps mince, maigre, même, ça ne le rend que plus difforme aujourd'hui. D'autant que je déteste l'idée que mon corps porte les stigmates de mes échecs. Perdre mes seins suite à ma maternité, d'accord. Prendre 6 kilos parce que je n'ai pas su gérer mes émotions, là, ça coince.

Aujourd'hui, je n'ose plus monter sur ma balance. Mes pantalons sont trop petits, je ne peux plus fermer mes jupes. Je ne suis toujours pas grosse mais je me trouve énorme. J'ai la sensation qu'à chaque bouchée que j'avale, c'est comme si je prenais un kilo et je ne sais pas. Je ne sais pas lutter contre ma faim, contre mon envie de manger. J'ai besoin de maigrir et je suis incapable d'y arriver. Je ne vois en moi que cellulite, seins qui tombent et ventre qui dépasse. Je ne m'aime plus...

Alors j'ai peur. Peur parce que je ne suis plus seule. Parce que je ne veux pas le décevoir. Parce que je ne veux pas qu'il ait honte de ce que je suis. Et, toujours ce foutu paradoxe, j'ai tellement confiance en lui que j'ose croire que tout ira bien...

On va y aller mollo sur les petits gâteaux...