jeudi 30 janvier 2014

Avoir si mal à toi...

Il y eut un début. C'était beau, c'était fort, c'était comme un grand soleil qui d'un coup brillait sur moi, éclairant l'avenir d'une perspective des plus belles.
Un début qui laissait présager que la suite serait grande. Je rêvais déjà à l'avenir, j'imaginais la famille qui s'agrandirait sûrement. Les enfants, leur fratrie complice, je l'espérais.

Il y eut un début, l'impatience qui me caractérise allant en grandissant, l'envie de plus que quelques heures volées au temps qui passe de loin en loin. L'envie chaque matin d'ouvrir mes yeux dans les siens, l'envie de laisser un peu ma voiture au garage et de cesser d'écumer les routes en quittant Petite Elfe le cœur serré d'être loin d'elle tout autant que bondissant de joie d'aller retrouver sa moitié.

Il y eut un début, puis 8 mois plus tard le jour tant attendu arrivait. Une valise à la main il était là, derrière la porte et je l'ouvrais enfin sur l'avenir.
Les premiers temps l'Amour remplit tout, chaque chose paraît soudain extraordinaire et chaque sourire rend les jours qui passent remplis de bonheur.
On prend nos marques à trois, c'est chouette.
Certains jours, c'est un peu plus compliqué, qui dit nouveau couple dit nouveau mode de communication, il faut s'apprendre.
Difficile pour Lui de quitter véritablement sa vie d'avant, difficile pour moi de prendre le temps de m'adapter, happée par le tourbillon de ma vie qui balaye chacune de mes journées. Pas toujours simple de prendre le temps d'expliquer comment on vit, de faire les compromis qui s'imposent quand je jongle entre ma fille, mon boulot et cette nouvelle vie qui s'ouvre remplie de questionnements. Est-ce que j'ai eu raison, pour Petite Elfe de demander à son père de quitter notre colocation et d'y faire entrer un autre homme qui l'élèvera tandis que dorénavant elle ne verra que très peu son papa? Est-ce que j'ai eu raison de lui demander de venir alors qu'il vient de si loin et que finalement on se connaît si peu?

Il y eut un début et puis tout se précipita.. Quelques semaines après son arrivée, le doute s'insinue en moi, quelques signes me font penser que...
Il est temps d'en être sûre. Il est absent, parti pour quelques jours mais je n'ai pas la force d'attendre, il FAUT que je sache. Un soir, en rentrant du boulot, Petite Elfe regarde calmement un dessin animé et moi je m'isole. Faire le test, savoir, maintenant.

J'en étais sûre. Je déborde d'une joie immense à la pensée qu'une seconde fois je vais connaître le bonheur de donner la vie. Je pleure, je lui parle à ce minuscule têtard en devenir, des millions de projets d'avenir se bousculent dans ma tête, au creux desquels deux enfants courent autour de moi.
Le prévenir, maintenant. Une photo envoyée dans le ciel, un coup de fil puis le tonnerre. Parce que si moi je le sentais, si j'en étais certaine ce n'était pas une évidence pour Lui, ni ce qu'il avait imaginé. Je le trouve glacial au bout du fil, je suis immédiatement douchée de mon nouveau Bonheur. On en parlera plus tard...
Les jours passent, j'attends son retour en caressant distraitement mon ventre empli de questions.

Il y eut un début et il y eut une fin. La fin des premiers émois, des papillons dans le ventre et des yeux qui brillent même au plus profond de la nuit. Le début des doutes, l'énervement qui s'installe. Rien ne va plus, Il est trop ci, pas assez ça... Moi qui quelques semaines auparavant débordait d'amour c'est maintenant, doucement, presque une sorte de haine qui s'installe. J'ai des milliers de griefs et cet enfant qui grandit dans mon ventre, sans prénom, sans véritable existence propre à mes yeux.
Incapable de leur parler, je me raccroche à la seule bouée qui me reste : ma fille. Chaque matin, sa voix me sort la tête de l'eau et me maintient au-dessus des flots pour s'éteindre le soir et me laisser plonger dans le néant.
J'ai mal à moi, j'ai mal à nous, j'ai mal à lui, mal à cette petite fille qui grandit en mon sein. J'ai mal, mal mal.
J'ai même fini par quitter ma maison, étrangère à mes murs, étrangère à tout ce qui faisait mon cocon depuis 3 ans. Retrouver la chaleur du foyer de mon enfance, panser mes plaies, survivre. J'ai l'impression d'être en train de mourir à moi-même, je ne me reconnais plus, bercée par la colère et le chagrin. Et cettte immense fatigue qui me submerge....

Heureusement qu'ils sont là, ma famille, mes amis. Il y a ceux qui sont juste là pour ouvrir leurs bras, il y a ceux qui sans le vouloir m'aident à nourrir ma colère et il y a ceux qui essaient d'apaiser la situation, qui me demandent de revenir sur ma décision, de lui laisser une seconde chance. Pour le moment je suis hermétique à ce genre de discours, j'ai juste mal. Et quand je le vois, j'ai envie de hurler, envie de lui cogner sur la poitrine pour crier ma rage, envie de lui dire que cet enfant je ne le veux plus, que je veux revenir en arrière, le voir repartir d'où il vient, je veux retrouver Karine, retrouver Maman Elfe, retrouver Petite Elfe. J'ai envie de pleurer.

Le 20 décembre, j'ai à nouveau donné la vie. Dans la juste lignée de cette terrible grossesse, dans la douleur. J'avais souhaité donner la vie naturellement, et je l'ai fait en croyant au passage y perdre la mienne. J'ai pleuré en 3 heures tout ce qui n'avait pas pu sortir pendant 9 mois. Je me suis excusée des dizaines de fois dans le délire au creux duquel j'étais plongée. Comme si demander pardon à la sage-femme, à ma mère qui tenait ma main était le premier pas vers la guérison de nous.

Les premiers jours, j'ai flotté dans une mer de doute et de colère qui s'efface, laissant place au chagrin. Je viens de donner la vie, je suis remplie d'amour pour cette petite fille sans laquelle je ne pourrais désormais plus vivre et je suis vide de tout le reste. Je voudrais tellement partager notre enfant, la découvrir, l'aimer, la couver à deux. Mais je n'y arrive pas, j'ai la gorge serrée, le cœur empli de larmes qui ne trouvent plus le chemin.

Il aura fallu plusieurs jours, les hormones qui m'habitaient laissant doucement place à mes yeux qui s'ouvrent. Des élans de tendresse qui me submergent envers celui que deux semaines plus tôt j'avais le sentiment de haïr.
Il aura fallu plusieurs jours pour lui laisser l'ouverture. Des mains qui se frôlent, des lèvres qui s'effleurent.


Il y eut un début, une fin, et le début d'autre chose. Nous sommes une famille, nous sommes quatre unis par un amour qui nous lient tous les uns aux autres. Il est temps désormais que chacun affirme la place qu'il a trouvé, temps que Petite Plume soit submergée de l'amour dont elle a manqué pendant quelques mois.


Ce billet, je me devais de le partager avec vous. Parce qu'écrire est le meilleur moyen de me libérer, parce que je ne suis pas la seule à qui ça peut arriver (coucou ma copine qui comprendra que je parle d 'elle). Parce que j'ai eu la chance qu'Il m'attende et ne refuse pas le premier pas vers un retour à nous. Parce que tout aurait pu finir alors que sans ces fichues hormones on n'en serait jamais arrivés là. Parler, parler et parler encore, c'est le seul moyen de ne pas laisser mourir ce qui fait ce nous. Parler même si c'est pour lui dire qu'on n'arrive pas à montrer notre amour. Parler pour lui expliquer qu'on est remplie de doutes mais parler pour être capable d'attendre l'arrivée de cet enfant, parler pour garder une certaine sérénité.
Parler.
Parler.