mardi 9 septembre 2014

La sixième

Septembre.
Dans lequel pour la sixième fois que je pose mes valises. Toujours au même endroit, avec la même émotion qui m'étreint à chaque rentrée.
Tic-tac...arrivée des élèves, M moins 20...


Si quelque part j'avais eu des doutes sur le choix de ce métier, chaque année septembre les balaye d'un coup de vent.

Il y a d'abord cette odeur de temps qui a passé. Septembre en a vu défiler des générations d'élèves au creux de ces vieilles pierres et sur le plancher qui craque. Les élèves d'hier tiennent désormais par la main ceux d'aujourd'hui.

Il y a les montagnes qui entourent cette toute petite école nichée entre les forêts de résineux. Le soleil qui se lève rouge comme le brasier de l'été indien qui se consume doucement durant ces quelques semaines.

Il y a cette route tortueuse et dangereuse, comme une épreuve à passer chaque matin pour pouvoir accéder à ce petit paradis.

Il y a la neige qui s'invite parfois très tôt, qui recouvre d'un manteau blanc chaque parcelle de ce que les Hommes ont sali et qui étouffe les cris d'enfants qui glissent dans la cour de l'école.

Il y a ce silence lorsque le matin je pousse la grande porte de bois sur les tables alignées qui semblent épier attentivement chacun de mes mouvements.

Il y a la douce solitude, le poids de la classe unique qui ne se partage pas.

Il y a eu tant d'éclats de rire, de sourires complices. Il y a eu aussi de terribles moments. Des rencontres inattendues. Des rencontres avec des auteurs que je n'oublierai jamais, des souvenirs par dizaines.

Cette année je récris pour la sixième fois le livre d'une année scolaire dans cette petite école où j'ai eu tant de mal à trouver ma place. Cette année pour la première fois je n'ai plus envie de partir. Même si la route est longue, même si l'hiver est rigoureux, même si la fatigue est là et même si ce n'est pas toujours facile de gérer de front 4 niveaux, 14 individualités.

Mais cette année a aussi une saveur particulière après un an d'absence. Cette année c'est une maîtresse un peu différente qui fait la classe dans la petite école. Une maîtresse plus sensible à la communication non violente, une maîtresse qui s'est promis de nourrir l'esprit de chacun de ses élèves. Une maîtresse qui s'est donné pour mission de leur prouver à tous qu'ils sont capables de choses merveilleuses pourvu qu'ils respectent la règle numéro un de cette classe : venir en étant curieux.

Septembre, trouver ma place dans les yeux qui pétillent, suspendus à mes lèvres.

Septembre, lâcher mes enfants pour aller tenir d'autres mains. Septembre pour serrer contre moi d'autres enfants que les miens. Septembre pour sécher des larmes un matin un peu difficile. Septembre pour un "je t'aime bien moi, maîtresse".

Septembre. Ou le début d'une nouvelle aventure. La sixième.