vendredi 21 décembre 2012

Et la semaine de 5 jours fut... (ou pas) (ou presque)

Comme vous l'avez compris, je suis instit. Enfin, plus exactement professeur des écoles. Dénomination soit dit en passant sournoise qui laisse à penser aux gens que l'on serait une sorte de professeur. Mais bien sûr.... y'a qu'à regarder nos salaires pour comprendre que c'est tout à fait ça. Ou pas.
 
Bref, que l'on soit instit, prof' des écoles, éducatrice spécialisée dans l'enseignement pour gnomes change peu de choses. Je crois que si on est ici, c'est par passion, ou par vocation ou appelez ça comme vous voulez. On aime ça. Enfin, moi, j'aime ça.

Les yeux qui brillent, le silence qui se fait. Les rires dans la cour et les chuchotements étouffés. Les lectures communes et les sorties pédagogiques. Les cadeaux pour Noël et les séparations des vacances. Les progrès énormes et les petites victoires.

J'aime mon métier, donc. Et je fais ce que me demandent mes supérieurs (dans la limite de mes capacités disponibles). Sauf que voilà. Faudrait arrêter de nous prendre pour des jambons, non?

Je commence à saturer des annonces incessantes, floues au possible et contradictoires à qui mieux mieux. Je ne sais pas l'année prochaine quel poste j'occuperai, si je travaillerais 4 jours ou bien plus. Si mes horaires vont changer ou pas.

Je ne sais pas si je dois chercher une autre nourrice. Encore moins quoi lui dire sur mes horaires qui ne seront peut être même pas fixés en mai si jamais je change de poste. (pratique, pour septembre...)

Je ne  sais pas. Je ne sais rien. Et j'ai le vague, très vague sentiment qu'on se fout de notre gueule.

De notre gueule à tous d'ailleurs. Les enfants, les parents et les enseignants. On voudrait être celui qui a changé les choses, qui a remis notre beau pays dans le droit chemin de la réussite scolaire et des bons résultats aux évaluations européennes. On oublie trop souvent de penser VRAIMENT aux principaux intéressés plutôt qu'à soi. Et on oublie que par là même on va se casser la figure. Comme tous ceux avant. Comme tous ceux après qui persisteront à vouloir copier les autres, changer pour paraître "meilleurs" mais sans se demander pourquoi le système actuel pêche.

Je suis instit. En classe rurale. Je suis de ceux que l'on oublie, de tous ces "fantômes" de l'éducation nationale que les gens adorent voir en film mais dont même nos supérieurs ignorent gentiment l'existence.

Je suis des "mis à part" des réunions. De ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Je suis une instit "pas comme les autres". Je suis la maîtresse, l'infirmière, la prof' d'anglais, celle de musique. Je suis la directrice, je suis un peu parfois une autre maman. Je suis de ceux qui sont seuls dans leurs écoles. De ceux qui se débrouillent. De ceux qui ont peur de voir fermer l'école, de voir mourir un village. De ceux qui s'attachent à ces gamins qui traversent 3 ou 4 ans de nos vies.

Je suis instit et je n'aime pas qu'on se foute de ma gueule. Je n'aime pas qu'on mette en péril l'avenir des élèves sur un coup de tête. Je n'aime pas qu'on oublie que l'égalité des chances, c'est AUSSI penser aux gosses des campagnes. Ceux qui ne vont jamais au musée. Ceux qui vont travailler à l'écurie le soir. Ceux qui parfois n'ont pas d'école parce qu'il a tellement neigé que la maîtresse n'aura pas pu venir. Ceux qui posent leurs fesses 4 ans de suite sur la même chaise dans la même salle devant la même maîtresse. Ceux qui doivent faire 15 kilomètres pour prendre un cours de musique ou de cheval.

Je suis instit et je suis en colère.

Alors à vous qui ne me lirez pas, les ministres et les présidents. les "spécialistes" des rythmes, des enfants et de tout ce que vous voulez.... Quittez deux minutes votre bureau et vos idées étriquées sur un monde qui n'est pas le vôtre. Venez nous voir, venez prendre conscience des réalités de chaque parcelle de ce pays que vous prétendez diriger. Venez apprendre que la France est multiple et qu'elle est belle dans sa multiplicité.

Faites votre métier, mais ne nous empêchez pas de faire bien le nôtre.  Les petits d'aujourd'hui seront les grands de demain et ils ont besoin de nous.



6 commentaires:

  1. et comme d'habitude, si réforme il y a, elle sera guidée par des intérêts tout autres que ceux des enfants ...

    RépondreSupprimer
  2. dans la futur ville ou je vais enmenager il y a une ecole à 2 classes ! maternelle/cp dans l'une et primaire dans l'autre je me demande bien comment ca va se passer meme si il y a de forte chance que les enfants restent dans leurs ecole actuel ca va etre tres compliquer ! dans notre ecole les enseignantes sont presques tous tres investie ! elle commence tot et finissent bien tard ! avec ce qu'ils disent ca veut dire quoi qu'elles finiront encore plus tard le soir et en plus le mercredi matin?? et les activité extra-sco comment ca va se passer ! les mairies ne vont pas pouvoir aider les ecoles et les activités actuels ! et pour le privé ?? ... bien des questions se posent et trop peu de reponses ...

    RépondreSupprimer
  3. C'est tellement triste, d'un coté on nous parle d’illettrisme, de manque de culture et de l'autre on enlève les chances de nos enfants !!! Quel honte de dénigré un si beau travail !

    RépondreSupprimer
  4. Un coup de gueule joliment écrit et plus que justifié ...

    Je vous admire vous les instits ou profs des école ( l'appellation ne change pas grand chose hein ), et on ose envier toutes vos vacances ...

    Le rythme scolaire des enfants est oublié depuis bien longtemps au profit du tourisme essentiellement sans respect d'un rythme qui aurait été idéal de 7 semaines de congés pour 2 semaines de repos. Ils s'en contrebalancent les politiques !

    En conseil d'école l'année dernière on a du débattre des rythmes scolaires, débat qui avait déjà eu lieu dans les années 80 avec des chrono-biologistes qui avaient donné leur avis là dessus, pourquoi refaire ce débat qui au final aura été un coup d'épée dans l'eau.

    Ils font fi des conditions de travail dans bien des écoles rurales avec classe unique pour chaque niveau, où l'instit se démène pour mener à bien la scolarité de tout un chacun ...

    Métier très mal considéré, de moins en moins de reconnaissance de la part des parents qui ont démissionné de l'éducation de leurs enfants et qui estiment que c'est à vous, en plus de les instruire de les éduquer. Et si le pauvre chéri ne s'en sort pas et bien c'est l'enseignant qui est fautif surtout ne pas se remettre en cause !

    Un bon coup de pied dans la fourmilière serait plus que nécessaire pour réformer tout ça, mais personne n'osera jamais réellement soulever les vraies questions, faire les bonnes réformes pour modifier le système actuel qui est plus que périclitant !

    RépondreSupprimer
  5. Suis bien d'accord avec toi Maman Elfe! et je me suis souvent dit que j'aimerais vraiment qu'on demande aux parents qui sont pour tout ces changements de lever la main... et qu'un vent de solitude souffle sur ces chers politiques qui vivent dans leur monde!

    RépondreSupprimer
  6. BRAVO! BRAVO! BRAVO!
    En collège et lycée c'est pareil : on fait, on défait, on a envie de révolutionner l'éducation. On fait des enfants des cobayes, c'est tout!
    Qu'ils viennent dans nos écoles, nos collèges, nos lycées, se rendre compte de ce que c'est que le vraie vie des écoliers!

    RépondreSupprimer

Et toi, tu en dis quoi?