lundi 24 août 2015

Ca

C'est un petit peu sournois...ça arrive, doucement. Ca s'insinue. Ca prend de la place, un peu. Puis beaucoup. Finalement ça prend toute la place. Ca commence au réveil et ça s'achève... en fait ça ne s'achève pas. Ca arrive un matin, ça s'installe dans ton lit, dans ton canapé, dans ta voiture, à ton boulot. Dans ta vie.
Et puis surtout, ça te transforme. Ca commence par un cri, plus fort, un peu inattendu. On va mettre ça sur le compte des multiples contrariétés qui s'accumulent. Et ça continue encore et encore. Ensuite arrive la première gifle, celle que tu t'étais promis de ne jamais donner. Celle que tu ne comprends pas, que tu regrettes instantanément. Celle qui reviendra, encore une fois ou deux. Et puis parfois tu as tellement envie de fuir. Ou de l'encastrer dans le mur parce que t'en peux plus des crises qui reviennent, qui se répètent, qui deviennent quotidiennes.
Ca transforme ensuite ton corps. T'as mauvaise mine, t'es toute pâle. Ce n'est plus vraiment ton visage qu'on voit, plutôt les cernes qui le composent. Puis ils sont pénibles, les gens, avec leurs réflexions à la con. Tout le monde t'énerve. Un peu trop facilement.

Et puis y'a la petite dernière qui dort pas. C'est pas que tu regrettes, d'en avoir eu une autre, c'est juste que ça prend le dessus. Que t'as du mal à réfléchir sereinement. Que tu te dis que tout ça, c'est juste une vaste grosse connerie.

Des fois tu ne comprends plus ta mère. Quand elle te dit que tu es d'une grande patience avec tes enfants, t'as envie de lui rire au visage. Patience? T'as envie de les assommer, t'appelle pas ça de la patience. Tu te demandes franchement pourquoi les autres te voient d'une façon qui n'est absolument pas ce que tu es, ce que tu ressens. C'est chiant, franchement. Ils sont chiants. Tous. Ou presque.

T'as plein de copines qui partagent des images sur facebook, qui parlent de ça. C'est drôle, c'est frais. C'est la preuve que c'est pas toi, que tous les parents vivent ça. Les autres, ils n'ont juste rien compris. Il sont juste chiants.

Des fois tu te souviens de ce temps où tu pouvais écouter doucement les pleurs de ton enfant, les accueillir, la consoler. Maintenant tu te vois lui crier dessus et tu te dis que cet avant n'a pas du exister, ça doit être un de tes nombreux rêves que t'as pris pour la réalité. D'ailleurs, ça s'efface. Tu y penses de moins en moins, tu oublies. Tu culpabilises, parce que tu sais bien que ça n'est pas de cette façon que tu dois faire, que tu veux faire mais tu n'y arrives plus. Ce doit être parce que tu as deux enfants, un boulot, une maison, des emmerdes par dessus la tête. Et puis surtout parce qu'il y a ça. Mais t'essaie de pas trop en parler. Tu détestes te plaindre et en plus tu le sais bien que tu es un genre de wonder woman. Ca ne t'atteint pas. Pas vraiment. Pas en surface.

Et puis de toute façon, faut juste être patiente. Ca va passer.

T'appelles ça la fatigue. Ce serait plus franc de parler d'épuisement. Nerveux, physique. Psychique. Tu es juste là, au bout du rouleau. Que tu continues patiemment à dérouler quand même, parce que ça va s'arrêter un jour.

J'écris ce billet aujourd'hui parce qu'il faut que ça sorte. Parce que je suppose qu'il peut y avoir plusieurs causes. Ca peut être le baby blues. Ca peut être un papa (ou une maman) peut présent(e) pour t'épauler. Et des fois ça peut être autre chose. Un petit souci médical qui en devient un gros.

Au détour d'une analyse, on vient de découvrir que je suis plutôt gravement anémiée, que ça fait longtemps, probablement au moins deux ans. Peut être plus. J'ai des analyses à faire peur, à se demander comment je tiens encore debout, comment j'ai pu travailler toute une année sans -presque- pas m'effondrer.

Je n'écris pas pour me faire plaindre ou parce que j'aime vous raconter mes ptits bobos. J'écris pour dire que je sais combien cette saloperie de fatigue prend de la place et combien il est important de se faire aider. De chercher des causes éventuelles, des solutions. Mais oser demander de l'aide, elle est bien là la vraie force.

Après trois semaines de traitement, je commence à reprendre pied. Je prends conscience que j'ai à nouveau envie de me lever le matin, que j'ai moins mal partout. Je me rends compte à quel point j'aime mes enfants. Je crie moins, beaucoup moins. Je retrouve ma patience, et juste, le goût de vivre. J'ai envie de balades, envie de cuisiner. J'ai des projets plein la tête, je change des tas de petites choses dans ma vie.

J'écris juste pour vous dire que sans ça, c'est beaucoup plus facile d'accueillir ce que tu croises sur le chemin de ta vie. Et que franchement, ça vaut la peine!




3 commentaires:

  1. Je pourrais écrire quasiment les mêmes mots ... J'espère que tu va vite reprendre des forces <3

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  2. j'ai connu ça, mot pour mot ou presque. Me sentais très mal à cause de ça, parce que, d'un côté, tu as cette image de la maman que tu es au fond du coeur, et celle qui apparaît et qui colle mal à cette image de maman qui aime profondément ses enfants mais qui arrive (avec quelle force et quelle promptitude !!!) à casser sa relation avec ces petites têtes adorables (mais tellement bruyantes et épuisantes jour après jour). Oui, ça passera ; ça finit toujours par passer mais même en avoir conscience, même l'écrire, n'empêche pas le malaise ; celui de ne pas correspondre autant à l'image de cette maman qui est enfouie en nous et de déborder de nous-mêmes quand la vie devient compliquée. Prendre soin de soi, trouver du temps pour soi (il y en a si peu) et accepter que rien ne soit parfait. La seule perfection, c'est l'instant présent : une caresse, un sourire, un pardon...

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