mercredi 13 juin 2012

N'oublie pas...

J'ai déjà écrit une fois sur le sujet mais quand je parle autour de moi, je prends conscience que le monde est rempli de personnes comme celle qui m'a faite souffrir... et qu'il est important d'en parler.
Toujours, pour ne jamais oublier. Pour ne jamais laisser la peur ou la culpabilité prendre le dessus. Pour briser le silence et faire en sorte que ça ne devienne pas la "norme".

Parce que subir une agression sexuelle, c'est une lourde épreuve. Une épreuve qui marque à vie, qui trace une partie du chemin à venir sans que l'on puisse changer ce qui s'est passé. Et ce, quelle que soit la gravité de l'acte que l'on a subi.

Bien sûr qu'on peut vivre avec. Chercher, à chaque instant, à avancer pour faire de cette attaque une force, pour se forger dans la douleur une carapace protectrice. Et puis...a-t-on vraiment le choix?

Bien sûr qu'on peut croire qu'on oubliera. Sauf que l'on n'oublie jamais. En tout cas, moi je n'ai jamais su oublier. Je m'efforce depuis des années de masquer cette douleur, d'en faire quelque chose de bien pour moi. Ça m'a rendue plus forte que je n'aurais seulement pu l'imaginer mais je suppose que je préfèrerais être moins forte et ne pas porter ce poids sur mon cœur. Je suppose...

Bien sûr qu'on sait que l'on n'est pas coupable et pourtant...c'est difficile de se défaire de ce sentiment et de la honte qui l'accompagne...ça m'a pris des années, pour faire le point et m'en libérer. Ça m'a pris aussi une rencontre. Une thérapeute, une personne totalement extérieure et dont c'est le métier qui est là pour te dire que non, ce que tu as subi n'est pas normal et que oui, c’est gravissime.

Bien sûr que l'on a peur. Peur de le croiser, parce qu'on vit dans la même ville, sinon ça ne serait pas drôle. Et pas question de déménager, je ne fuirai pas devant mes peurs, j'essaie au contraire de les apprivoiser!
Peur aussi pour ma fille. Parce qu'être mère c'est aussi ça. Ne pas vouloir mais projeter sa vie sur son enfant. Et trembler. Je suis parfois morte de trouille à l'idée qu'il puisse lui arriver quelque chose. Non pas qu'elle meure hein, mais qu'elle subisse ce genre de traumatisme, qui la marquerait à jamais et la ferait souffrir, ELLE, du plus profond de son être.
Peur de rencontrer un homme qui ne comprenne pas. Ou pire, qui ait peur de cela. Je n'ai pas besoin de peurs, j'ai besoin d'amour. De tendresse, et de douceur. Essentielle, la douceur...

Et pourtant... pourtant je crois qu'aujourd'hui, 21 ans plus tard, je commence à aller mieux. Je crois que j'ai détruit tous les remparts qui s'opposaient à la construction d'une vie sexuelle "normale". Que je suis prête à partir sur de bonnes bases. Devenir mère a changé mon corps, qui n'est plus celui qu'il avait "désiré". Petite Elfe m'a offert une seconde chance,je saurai la saisir...
Finalement, après tout ça, je me demande aujourd'hui si mon refus d'accoucher sous péridurale ne tenait pas aussi à ça. Sentir, avoir mal. Vivre pleinement chaque seconde de la transformation de mon corps pour être sûre d'avoir trouvé la paix, ma paix.




13 commentaires:

  1. juste <3, tu sais tout ce que ça comporte...
    et merci...

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  2. Le dernier paragraphe, est très dure à lire et pourtant magnifique.
    J'ai la poitrine serrée...
    Sois en paix à présent, je t'aime beaucoup ma Petit Maman Elfe, j'éprouve beaucoup de sentiments (amicaux bien sûre) à ton égard ...
    Tu es quelqu'un de tellement formidable, une femme extrêmement forte et pourtant si douce ... :)
    Voilà, j'avais envie de te le dire, j'espère que tu n'as pas eu peur ^^

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  3. Ton texte est fort et prend aux tripes. C'est important que tu puisses en parler, pour toi et aussi pour toutes celles et ceux qui l'ont vécu et n'ont jamais osé le partager...
    La parole libère, en partie en tout cas.
    Tu mérites tout ce que la vie peut t'apporter de meilleur.
    Belle vie à toi donc ! <3

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  4. L'arrivée de petite Elfe et la naissance de ton blog t'ont fait revivre, renaître en somme. Que tout le bonheur que te procure ta puce et tes écrits te permettent de chasser petit à petit ces horribles souvenirs. Gros bisous maman Elfe

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  5. <3 maman elfe!

    C'est trés touchant ce que tu écris! ça ne doit pas être facile d'écrire ces mots, mais tu le fait joliement et je te trouve trés forte!
    Merci à ta petite elfe d'avoir sauvé sa maman et continues de la protéger contre tout ce malheur!
    bon courage pour la suite!

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  6. Oui il faut du courage, beaucoup de courage ! je peux entendre ta souffrance pour avoir vécu ce genre d'horreur. et 32 ans plus tard (à l'heure du "bilan")j'ai la chance de vivre avec un homme doux et patient, d'avoir trois enfants formidables...malgré tout.. sans pouvoir oublier, juste vivre avec cette douleur permanente,essayer de se reconstruire pour ne pas laisser la honte et la salissure s'installer définitivement en soi..alors courage, il existe aussi des hommes merveilleux...

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  7. Oh comme je te comprends..
    J'ai 34 ans, et 28 ans que je vis "avec ça"..
    L'anorexie/boulimie pour détruire ce corps, ensuite se mettre avec quelqu'un juste pour se sentir aimée, avoir 3 enfants et être trahie, plus bas que terre,..les TS,..
    Les périodes de cauchemars par cycle, les périodes sans,..
    Et puis le renouveau il y a 5 ans avec l'homme, l'arrivée des jumeaux, et la renaissance !
    Un combat seule car c'est arrivé dans le cercle familial et il est bien connu que les secrets de famille y restent dans cette sphère malfaisante..
    Jte souhaite du courage et de la patience pour continuer sur ta lancée, on n'oublie jamais mais on peut ranger cela dans un minuscule coin latent, et vivre pour ne plus jamais que cela se réveille..
    <3

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